À ses débuts, le moteur Diesel était réservé aux tracteurs routiers et aux camionnettes pleine grandeur. Au fil des générations, les deux technologies se sont rapprochées et ont de plus en plus de points communs. La technologie Diesel a emprunté aux moteurs à essence et vice-versa. Dans l’hypothèse d’un prix du baril de pétrole qui continue d’être à la hausse et d’une technologie Diesel de plus en plus évoluée et performante, nous pourrions assister à une plus grande popularité de la technologie Diesel. Depuis plusieurs décennies, ces moteurs dominent le marché européen. En plus de sa remarquable sobriété et de son couple record à bas régime, le moteur à autoallumage, de conception plus moderne, est également parvenu à estomper sa rugosité naturelle. L’injection directe de carburant a ainsi permis de mieux maîtriser la combustion au bénéfice de l’agrément d’utilisation et de l’efficacité énergétique. Les automobilistes européens ont choisi le moteur Diesel dans une proportion de 70 %; dans certains pays comme l’Autriche, on frise les 90 %.
D’abord un avantage fiscal
À ses débuts, le moteur Diesel était ce que les Nord-Américains ont connu ici dans les années 70, lors du premier choc pétrolier : un moteur bruyant, rugueux, sale et anémique. L’Europe disposait des mêmes moteurs, mais pour favoriser l’achat de cette technologie plus économique au rendement, les gouvernements européens ont fortement subventionné le prix du carburant Diesel qui était un tiers plus économique à la pompe. Pour autant, le bon vieux moteur à essence conserve des adeptes. Son onctuosité, sa sonorité plus mélodieuse ou, encore, son aptitude à chatouiller les hauts régimes ravissent encore les amateurs de conduite sportive. Sa masse contenue et son coût de fabrication inférieur lui permettent également de conserver tout son intérêt sur le marché des citadines, naturellement moins portées sur les forts kilométrages annuels. Enfin, le moteur à bougies présente ordinairement un entretien moins coûteux…
Les choses changent dans les années 90.
Mitsubishi a été le premier constructeur d’automobiles à introduire l’injection directe de carburant, technologie jusqu’alors réservée aux motorisations Diesel. Aujourd’hui, de plus en plus de constructeurs offrent des moteurs à essence à injection directe. Ces moteurs pulvérisent l’essence sans plomb directement dans la chambre de combustion et combinent de fortes puissances à des cylindrées réduites et une consommation de carburant plus basse, ouvrant la voie à une nouvelle mutation du bloc-moteur à essence. Si la faible consommation apparente du Diesel repose en partie sur des facteurs externes, comme la densité énergétique supérieure du mazout, elle est également due à des atouts intrinsèques. Parmi ceux-ci, on peut citer un taux de compression élevé, à l’origine du rendement supérieur de son cycle thermodynamique à autoallumage, élaboré par Rudolf Diesel. Or, depuis peu, on voit le taux de compression des moteurs à essence approcher celui des diesels. Cette opération était jusqu’à récemment impossible. Le mélange air-essence, très sensible à l’autoinflammation (en raison de sa volatilité), ne pouvait supporter des pressions trop supérieures à 10 bars, sous peine de générer un cognement. Mais en permettant l’admission d’air pur et la pulvérisation d’essence seulement à la fin du cycle de compression, le bloc à injection directe permet de s’affranchir de ce désagrément. Grâce à cet emprunt à l’architecture Diesel, les hautes pressions ne sont plus inaccessibles, autorisant de confortables progrès de rendement.
Mercedes-Benz opère déjà un métissage.
Dans l’art de mélanger les genres, la palme revient néanmoins à Mercedes-Benz, qui a récemment réuni les deux mondes en présentant son bloc DiesOtto. Issu de l’agglomération des patronymes Diesel (Rudolf) et Otto (Nicolaus). Ce drôle de bloc, apte à s’abreuver en essence, fonctionne pourtant comme un diesel en usage courant : le carburant, pulvérisé directement dans la chambre de combustion, s’enflamme au moment opportun grâce au pilotage judicieux de l’injection. Ce moteur peut également commander la combustion dans certaines situations particulières, comme le démarrage à froid ou les hauts régimes.
Il semble que les deux technologies continueront de faire front commun et ainsi de repousser les limites de chacun. Il ne serait pas surprenant dans quelques années de voir des blocs à essence aussi économiques que des diesels et des diesels aussi puissants que des moteurs à essence de même cylindrée.
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Benoit Charette est co-propriétaire et rédacteur en chef de l’Annuel de l’Automobile 2011. On peut également l’entendre à l’émission Dutrizac, l’après-midi tous les vendredis à 14 :05 sur les ondes du 98,5 fm à Montréal.